Alors que les déserts médicaux s’étendent et que la France peine à former suffisamment de médecins, la question du numerus apertus est de nouveau d’actualité. Ce 18 juin, les sénateurs examinent une proposition de loi portée par le ministre de la Santé Yannick Neuder, visant à réformer l’accès en deuxième année de médecine. Une réforme ambitieuse, destinée à répondre aux besoins croissants de santé sur le territoire, mais qui soulève aussi de nombreuses inquiétudes.
Camille, publié le 24/06/2025 - 5 min de lecture
« Nous devons former plus, plus vite, mais sans jamais baisser le niveau » a déclaré le ministre de la Santé. Le système actuel du numerus apertus, mis en place en 2020 pour remplacer le numerus clausus, a atteint ses limites.
Le numerus clausus limitait strictement, depuis les années 70, le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine. Le numerus apertus, plus souple, fixe désormais un quota minimal d’admissions par université, défini par les facultés elles-mêmes en lien avec les agences régionales de santé (ARS).
Ce changement a permis une augmentation de 18 % du nombre d’étudiants admis en deuxième année. Pourtant, le dispositif reste « trop restrictif » selon le gouvernement, qui souhaite aller plus loin.
La réforme propose d’accorder plus de pouvoir aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS). Ceux-ci pourraient imposer aux universités d’augmenter leur capacité d’accueil si les objectifs de formation ne sont pas atteints. Ces objectifs devront garantir une meilleure répartition des médecins sur le territoire.
Cependant, cette perspective inquiète. L’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) alerte sur le risque de dégradation de la qualité de la formation, dans un contexte où les universités sont déjà sous-financées. De leur côté, le syndicat Jeunes Médecins pointent la saturation des lieux de stages, essentielle à une formation de qualité.
Un autre objectif de la réforme est de limiter l’exil des étudiants français vers d’autres pays européens comme la Belgique, l’Espagne ou la Roumanie où , contrairement à la France, la sélectivité du premier cycle des études de médecine est moins rude.
D’après la Cour des comptes, environ 1 600 étudiants partent étudier à l’étranger chaque année. Le projet de loi prévoit donc un décret facilitant leur réintégration dans le système universitaire français. Toutefois, sans moyens supplémentaires alloués aux universités, cette mesure pourrait aggraver la surcharge actuelle des capacités de formation..
Les professionnels redoutent également qu’elle fasse naître un sentiment d’injustice entre les étudiants ayant suivi un parcours sélectif en France et ceux formés à l’étranger, dans des systèmes sans sélection à l’entrée.
La réforme souhaite également renforcer le dispositif des passerelles, permettant aux infirmiers, aides-soignants ou kinésithérapeutes de se reconvertir en médecine. Actuellement, ces profils représentent à peine 5% des admissions. En ouvrant davantage ces passerelles, le gouvernement espère diversifier les profils et répondre aux besoins en personnel médical.
Former un médecin prend 10 ans en moyenne. Ainsi, les décisions prises aujourd’hui ne porteront leurs fruits qu’en 2035. C’est pourquoi la conférence des doyens de médecine appelle à une stratégie graduée et opérationnelle rapidement, notamment pour faire face à la baisse préoccupante du nombre de généralistes : 99 500 en 2024 contre 102 000 en 2022, soit une baisse de 2,5 % en deux ans.
Bien que la volonté d’ouvrir davantage l’accès aux études de médecine réponde à une urgence de santé publique, elle soulève une question cruciale : Les universités ont-elles les moyens de former plus, sans impacter la qualité ? Locaux insuffisants, pénurie d’enseignants, disponibilités des lieux de stages, etc. Cela représente autant de freins qui pourraient transformer une bonne intention en impasse.
Reste donc à savoir si cette responsabilisation sera accompagnée de moyens financiers et humains suffisants pour garantir une formation de qualité à un nombre croissant d’étudiants.
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