Fin de vie : ce que prévoit la nouvelle loi sur l’aide à mourir en France en 2025

Le projet de loi sur l’aide à mourir marque un tournant dans le débat sur la fin de vie en France. Il prévoit, sous conditions strictes, l’administration d’un produit létal à la demande du patient. Une avancée encadrée, complémentaire aux soins palliatifs renforcés, qui relance la réflexion sur la dignité et le libre choix en fin de vie.

Camille, publié le 13/06/2025 - 5 min de lecture

IDEL

Médecin généraliste

Masseurs-kiné

Chirurgien-dentiste

Pédicure-podologue

Pharmaciens

L’administration d’un produit létal à un patient qui en fait la demande, sujet longtemps tabou dans le débat public français, est aujourd’hui au cœur d’un projet de loi qui suscite autant d’attentes que de controverses. Alors que la loi Leonetti de 2016 interdisait tout geste actif destiné à provoquer la mort, même à la demande du patient, le gouvernement envisage désormais d’autoriser, (sous conditions strictes) une aide à mourir. Ce projet de réforme marque une évolution sociétale majeure pour le domaine de la santé en France.

Une rupture avec la loi Leonetti

Adoptée en 2016, la loi Leonetti visait à mieux accompagner les patients en fin de vie. Elle interdisait formellement toute forme d’euthanasie ou de suicide assisté, même à la demande du patient. Elle autorise toutefois la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les malades en phase terminale, lorsque les traitements ne permettent plus de soulager les souffrances.

Cette loi a permis des avancées importantes, notamment la reconnaissance du droit à ne pas subir un acharnement thérapeutique. Néanmoins, de nombreux patients et proches estimaient que ses dispositions restaient insuffisantes. Des patients en grande souffrance, atteints de maladies incurables, continuaient à réclamer une mort médicalement assistée, ce que la loi Leonetti leur refusait. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de loi sur l’aide à mourir.

Un encadrement rigoureux

Le texte actuellement en discussion prévoit l’administration d’un produit létal à un patient qui en fait expressément la demande. Cette démarche ne sera autorisée que dans des conditions très encadrées, afin d’éviter les abus et de garantir le respect du discernement du patient.

Les conditions d’éligibilité sont strictes :

  • Le patient doit être majeur.
  • Il doit être de nationalité française ou résider en France.
  • Il doit être atteint d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale.
  • Il doit ressentir des souffrances physiques ou psychiques jugées insupportables, malgré les traitements.
  • Il doit être pleinement capable d’exprimer une volonté libre, éclairée et stable.

En revanche, certaines situations sont explicitement exclues du dispositif :

  • Les personnes atteintes de troubles psychiatriques altérant le discernement.
  • Les patients souffrant de maladies neuro dégénératives évoluées (comme la maladie d’Alzheimer; par exemple).
  • Les personnes inconscientes ou sous tutelle renforcée.

Ces exclusions ont été décidées pour éviter tout doute sur la capacité du patient à exprimer une volonté libre et réfléchie.

Une demande en plusieurs étapes

Le processus pour accéder à l’aide à mourir ne sera pas instantané ni unilatéral. Il s’agit d’une procédure progressive, encadrée par plusieurs professionnels de santé, et incluant plusieurs étapes de vérification et de réflexion :

  • Demande écrite et signée du patient : c’est la première étape. Le patient doit formuler clairement sa volonté par écrit.
  • Évaluation médicale collégiale : plusieurs soignants, dont au moins un médecin et un professionnel extérieur à l’équipe habituelle du patient, devront confirmer que les critères sont bien remplis.
  • Délai de réflexion obligatoire : un délai de plusieurs jours est imposé pour permettre au patient de réfléchir à sa décision et d’éviter toute impulsivité.
  • Confirmation de la demande : si, après ce délai, le patient souhaite toujours bénéficier de l’aide à mourir, il devra réitérer sa demande par écrit.
  • Administration du produit létal (le produit pourra être administré de deux façons) : Par le patient lui-même, s’il en est capable ou par un professionnel de santé, si l’état du patient ne lui permet pas de s'auto administrer le médicament.

Une clause de conscience pour les soignants

Le projet de loi prévoit une clause de conscience, qui garantit que nul professionnel de santé ne pourra être contraint de participer à la réalisation de ce geste. Le refus de réaliser l’acte ne sera jamais considéré comme une faute. Cette disposition vise à protéger les soignants qui ne souhaitent pas participer à un acte létal.

La clause de conscience est un point crucial du texte, car elle cherche à concilier la liberté du patient et celle du soignant. Elle répond à une inquiétude majeure exprimée notamment par les syndicats de médecins, soucieux de préserver leur éthique professionnelle.

L’aide à mourir et les soins palliatifs : un équilibre à trouver

Le gouvernement a pris soin d’associer ce projet de loi à un renforcement massif des soins palliatifs, avec une enveloppe budgétaire portée à 2,7 milliards d’euros sur dix ans. L’objectif est clair : faire en sorte que l’aide à mourir ne soit jamais une solution par défaut, faute d’alternatives pour soulager la douleur.

L’ouverture encadrée de l’aide à mourir en France marque une évolution législative profonde sur une question aussi intime que collective : celle de la fin de vie. Si le texte cherche un équilibre entre liberté individuelle, protection des plus vulnérables et responsabilité médicale, il reflète surtout une société en quête de réponses face à la souffrance que la médecine ne peut plus soulager. En posant un cadre clair, en affirmant des limites et en renforçant les soins palliatifs, le projet de loi ne clôt pas le débat, il l’officialise. Car au-delà des lois, c’est bien une réflexion durable sur la dignité, le choix et l’accompagnement qui s’ouvre.

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